• La déclaration de Rodolphe lors des comices est-elle romantique ?

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         Le roman Madame Bovary, écrit et achevé par Gustave Flaubert en 1856, raconte la vie du personnage d'Emma Bovary, une jeune femme qui vit animée de désirs, et qui voit ses rêves d'aventures et de passions brisés par son mariage avec un médecin de province. Vers le milieu du roman, à l'heure où la jeune femme perd tout espoir d'un jour trouver le bonheur, arrive dans sa vie Rodolphe Boulanger, un séducteur de femmes qui excelle dans ce domaine. Il se met en tête de devenir l'amant d'Emma et l'accompagne aux comices agricoles, où il lui fait une formidable déclaration romantique. Romantique, vraiment ? En apparence, elle en possède toutes les caractéristiques, mais c'est en fait un brillant rôle joué par Rodolphe dans le but de séduire Emma, et qui est, de plus, une parodie des déclarations romantiques du 19ème siècle.

         La déclaration de Rodolphe à Emma semble romantique; il apparaît comme le héros romantique par excellence par son attitude qui lui procure le charme d'un homme tourmenté. Insistant sur sa solitude et sur la souffrance qu'il éprouve à ne pas trouver le bonheur, Rodolphe revêt le caractère des personnages de roman qu'Emma chérit. Alors qu'ils écoutent distraitement le discours du conseiller Lieuvain depuis le premier étage de la mairie, Rodolphe introduit sa déclaration : " Eh quoi ! dit-il, ne savez-vous pas qu'il y a des âmes sans cesse tourmentées ? Il leur faut avoir tour à tour le rêve et l'action, les passions les plus pures, les jouissances les plus furieuses, et l'on se jette ainsi dans toutes sortes de fantaisies, de folies". Il se décrit lui-même à travers les traits de caractère du héros romantique, et se dépeint comme un homme solitaire et tourmenté, en quête de bonheur et qui pense l'avoir enfin trouvé en rencontrant Emma : " il se rencontre un jour [...] Enfin, il est là ce trésor que l'on a tant cherché..."; il fait l'apologie des passions : " Ne sont-elles pas la seule belle chose qu'il y ait sur terre " afin de convaincre implicitement Emma de se laisser séduire, et il finit, après ces allusions indirectes à l'amour qu'il lui porte, sûrement par peur d'être rejeté, par lui déclarer sa flamme tel un amant transi, remerciant le destin de les avoir réunis (la notion de destin et de fatalité faisant également partie du romantisme), en lui faisant la promesse de la chérir et de l'aimer. Dans ce monologue entrecoupé de fragments du discours de Lieuvain, Rodolphe se livre entièrement à Emma en lui faisant part de la souffrance que lui cause sa vie dans un monde qui n'est pas fait pour lui, et dans le même temps lui fait comprendre que son amour pour elle lui apporte ce bonheur tant cherché.